Visite en studio: artiste Ed Coleman
Je dois peindre, ça me donne la vie. C'est la seule façon de le décrire. - Ed Coleman
Ed est un homme de couleurs. Des couleurs vives. Il est un artiste en arts visuels qui habite Saint Jean au Nouveau-Brunswick, et son style à l’usage des couleurs vives et de grands lignes de pinceau est bien connu. Ed peint des scènes de nature et d’eau ainsi que des paysages urbains en utilisant plutôt la peinture à l’huile, mais parfois aussi l’acrylique, et surtout en grandes quantités. Il adore créer en plein air, sur un voilier en longeant la côte si possible. Il y a une fraîcheur à son travail, comme s'il pouvait capter la brise et le soleil qu’il sentait en peignant. Cette vitalité indescriptible est ce qui attire les gens, si bien qu'Ed réussit facilement à vendre ses oeuvres sur le quai même où elles ont étés peintes.
J'ai visité le studio à Ed situé sur la rue pittoresque de Germain au centre-ville de Saint Jean une journée ensoleillée en juillet. Le vent frais de la mer rentrait par la fenêtre ouverte pendant que nous discutions et la cloche à l'église Trinity chantait sa chanson ponctuelle. Son studio serait assez ordinaire, mais avec le banc d’église polyvalent, les moulures historiques et les planchers inclinés uniques aux vieux bâtiments de Saint Jean, l’espace tient une personnalité. Les murs et les coins et recoins sont pleins de tableaux qui n’attendent qu’un foyer à embellir avec leurs couleurs vives. C'est un espace dédié à la création. Même sa palette de peinture peut être considéré comme un chef d'oeuvre et encadré - qui en fait a été le cas!
J'ai connu Ed pendant des années, à la fois comme un ami de la famille et en tant que collègue de travail dans notre église (il était le prêtre associé et je travaillais parmi les jeunes). Ed est un homme profondément spirituel et sérieux quand la situation le demande, mais il y a aussi une joie de vivre en lui qui peut illuminer une pièce avec seulement une blague et un éclat de rire. Je l’ai déjà vu jouer du violon et danser une gigue dans des fêtes de cuisine style-maritimes. Qui savait Ed pouvait danser une bonne gigue? J'ai toujours su qu'il peignait, j'ai vu son travail dans les maisons d'amis, mais ne l'ai jamais vu dans son habitat naturel. La même énergie et vigueur qui inspire ses pas de danse sont transmises par ses tableaux. Ce fut une joie d’enfin visiter son espace créatif. Nous avons parlé facilement et de façon confortable d’Ed, l’artiste. J’aimerais un jour posséder un de ses tableaux, donc quand il m'a montré les piles de tableaux en attente d'un foyer, j'ai été tenté ... Les couleurs vives aurait fière allure dans une chambre d'enfants...
Quand avez-vous commencé à peindre?
L’art m’a toujours interéssé. Ma seule expérience fut pendant mes années au collège quand Ruth (ma femme) et moi avons pris un cours de dessin au YMCA à Saint-Jean, Terre-Neuve. Il y a 25 nous avons déménagé ici à Renforth et dans ce temps j'ai rencontré une vieille dame nommée Gladys qui était un artiste. Quand je lui ai dis que j’ai toujours voulu peindre, et elle m'a dit: «Eh bien choisis ta journée, je vais vous apprendre!». L’idée m’effrayait un peu parce que je n'avais jamais créé un tableau. Chaque vendredi matin pendant trois ans je suis allé chez Gladys et à chaque fois je suis rentré avec un tableau complété sur la banquette arrière. Ca m’a choqué que je pouvais produire un tableau! Elle lisait beaucoup au sujet de l'art et me donnait souvent des articles et des livres à lire à la maison, comme des devoirs. Elle ne m'a non seulement appris à peindre, elle m'a aussi appris l'histoire de l'art, les impressionnistes, les expressionnistes et les autres mouvements. J’ai continué à peindre, ensuite j’ai commencé à en donner, puis à en vendre. Environ trois ans plus tard Jorgen Klausen m'a invité à exposer dans sa galerie, et puis de là je suis passé à Handworks, la Galerie SeaCoast à Saint-Andrews, Galerie 78 à Fredericton, etc.. J'ai toujours eu une confiance en tant qu'artiste, que j'attribue à Gladys.
Qu’est-ce qui inspire votre travail?
Cela peut changer, il y a des périodes où la couleur ou l'humeur ou le sujet de mon travail va changer. Certes, vivre à Saint John m'inspire, l'architecture et les paysages urbains, les clochers des églises. Mes racines sont à Terre-Neuve, et j’y retourne une fois par an. Je suis toujours impressioné par l'ampleur du paysage. Tout est immense et les couleurs sont si riches.
Ce que j'ai appris à aimer le plus, ce qui est aussi le plus difficile, est la peinture en plein air. J'aime vraiment le faire en été mais il suffit de trouver le temps. J'utilise beaucoup de peinture, j’essaye de ne pas m’inquiéter du coût de la peinture, de ne pas se sentir limité par ce genre de craintes. Je me suis vraiment lançé dans la peinture après avoir lu "Painting as Pastime" (“La peinture comme passe-temps”) par Winston Churchill. (Lire un extrait ici) Il raconte l'histoire de comment il fut libéré dans sa créativité. C'est un beau petit livre.
Quel est votre processus, de toile au tableau fini?
Cela dépend. Si je peins à l'extérieur, il faut faire rapidement et furieusement, mais quand même avec de la maîtrise. Un peu comme l’équitation (rire). Il faut capter l'essence de ce qui est devant vous. Je commence en dessinant les contours avec de la peinture, puis je peins les bloques de couleur et les formes que je vois. Après ça, j’intensifie les détails. La partie la plus difficile est de savoir quand c’est terminé. Quand on peint à l'intérieur, le processus est semblable, mais il y a plus de flexibilité. Avec les peintures à l’huile c’est beaucoup plus lent parce-qu’il faut attendre que les couches sèchent. Et j'utilise beaucoup de peinture.
À quoi ressemble une journée typique?
Eh bien, je travaille en tant que ministre à l'église anglicane All Saints ici à Saint Jean, mais je viens au studio chaque lundi pour peindre. Je viens tôt le matin et je peins toute la journée. Je peins aussi dans les soirées et les jours fériés. En été, j'essaie de dédier une longue période de temps pour peindre en plein air. Dans le passé j’animais des ateliers de peinture le vendredi matin. J’aimais beaucoup ça.
Est-ce que votre travail en tant que ministre fait intersection avec votre art?
Toujours. Particulièrement dans mon rôle d’aumônier à l'hôpital quand j'avais affaire avec la mort à tous les jours, c’était très intense et l'art était un véritable débouché. J'ai commencé à faire des ateliers de deuil et de l'enseignement avec les soignants. Nous aimerions obtenir des fleurs fraîches, du matériel de peinture, et on se réunissait pour peindre et parler de ce qu’on vivait.
Que signifie votre espace de studio pour vous?
J'avais l'habitude de travailler chez moi, mais j'aime avoir un studio à l'extérieur parce que je peux tout laisser. Quand je sais que je vais produire des tableaux en grande quantité, je passe quelques heures à tout nettoyer, ensuite je suis prêt. Quand je peins, je produis beaucoup d’oeuvres. C’est comme une explosion, et tout est à nouveau en désordre, mais je peux le laisser et rentrer à la maison pour y revenir plus tard. Aussi, quand je sais que quelque chose ne va pas avec un tableau, je le garde en vue pour le regarder de temps en temps. J’attends que la solution me vienne. Cela peut prendre un mois ou même plus. En attendant, je travaille sur d’autres choses.
De quoi êtes-vous le plus fier?
Je suis très fier que les gens prennent plaisir à vivre avec mes tableaux. Quand ils me disent que le tableau les fait sourire.
Text et photos par Marie-Hélène Morell