Visite en studio: artiste Raymonde Fortin

“Pour moi, faire l’oeuvre est l’oeuvre en soi-même.” RF

*Cette entrevue fut possible grâce à une bourse de artsnb. Merci artsnb!*

Raymonde Fortin est une artiste qui est continuellement à la recherche. Son style d’expression change au fur et à mesure qu’elle expérimente et qu’elle découvre des nouvelles techniques, comme si elle poursuivait un objectif élusif qui se faufile toujours plus loin le long des nouvelles avenues créatives. Sa personnalité se reflète dans son travail, calme mais passionnée et qui cherche à refléter le monde autour d'elle pour mieux le comprendre. Raymonde a encore beaucoup à découvrir dans son cheminement d’artiste, mais on dirait qu’elle a déjà réussit à en parcourir des kilomètres.

Ma mère et moi avions visité Raymonde une journée humide en été, et on aurait bien aimé rester toute la journée. Raymonde nous a accueillit avec une hospitalité chaleureuse et un enthousiasme contagieux. Elle s'était bien préparée pour notre visite et avait beaucoup a nous montrer. Il y avait les colonnes dans le garage prêtes à partir en exposition, des oeuvres en cours dans le studio, les oeuvres complétées sur les murs de son salon, et même des pièces experimentales enveloppées autour des arbres dehors.C’est rare qu’un(e) artiste sait s’exprimer verbalement aussi bien qu’avec leur art, mais Raymonde en est parfaitement capable. Elle nous racontait son processus d’exploration artistique, les tournants et les révélations qui ont mené à telle résultat, de telle façon qu’on voyait le train de pensée derrière les oeuvres.

Son parcours a commencé tard dans la vie. Elle a travaillé des années en graphisme, et après avoir élevé ses trois enfants, elle s’est trouvé à songer à l’art. “Je regardais toujours différents artistes et je me demandais qu'est-ce qui les amenait là”, dit-elle, “Je n'avais jamais peint avec de l'acrylique, jamais travaillé en sculpture, mais c'est ca que j'ai décidé d'étudier.” Elle a suivi ses études à l’université de Moncton en dessin, peinture, sculpture et l’histoire de l’art. Une fois les études complétées, elle a commencé à créer, faire des stages en tant qu’artiste en école et à enseigner des ateliers pour ajouter aux revenus. Depuis, elle et son conjoint (qui est photographe) ont investit dans des blocs apartments, ce qui lui permet de continuer à créer à temps plein.

Le style de Raymonde est abstrait, très sculpturel, ou on voit l’écho d’une forme ou d’une idée. Elle ne fait pas beaucoup de préparation ou de croquis, mais préfère s’y lancer directement. “Je ne fais pas des études sur papier, je dois le faire directement sur la toile, c'est beaucoup plus vrai et tactile.” Pour elle, la preparation et l’usage des materiaux font autant partie de l’oeuvre que l’image finale. La sorte de toile, les outils et types de peinture qu’elle utilise apportent toujours une nouvelle technique à explorer. Elle ne reste jamais longtemps sur un style ou technique, mais chaque méthode devient un point de départ pour la prochaine étape d’exploration. Tout au long de l’évolution de son travail, on y voit toujours l’essence de Raymonde, cette énergie calme et naturelle qui suscite l’émotion et la connection au monde autour de nous.

D’où tires-tu ton inspiration?

Je tire mon inspiration, tout simplement du lieu dans lequel je me retrouve pour créer, des rencontres que je fais aussi. J’observe la lumière, le mouvement, les ombres, je tente de décrire cet état et d’exprimer ce que je ressens. Je visualise en moi un espace que je nomme le « ressenti » ou mon paysage intérieur, j’observe les émotions qui s’y retrouvent. Celles-ci sont variables, imprévisibles et souvent contradictoires. Elles sont teintées par le souvenir, nuancées par le désir, modifiées par mon imaginaire… Je tente d’exprimer cet état par la peinture.

Peux-tu décrire ton processus?

Mes oeuvres prennent naissance habituellement d’une volonté de fusionner une dualité ou bien des éléments opposés. Présentement je peins, en me servant des lignes et des textures que l’on retrouvent dans un paysage, j’y intègre des formes géométriques qui n’ont pas vraiment de rapport avec le paysage Ceci me permet de décrir ma relation avec la nature, celle qu’on ressent lorque l’on se retrouve dans une maison, une voiture et celle que l’on ressent dans une foret, sur le bord de l’eau à regarder couler la rivière, un moment qui semble suspendu dans le temps. Des moments que je nomme « éternités".

Comment decrirais-tu ton trajet créatif jusqu'à ce point?

À la fois simple et compliqué. Simple parce-que ma recherche fut toujours alimenté à la base par les mêmes thématiques, le temps, la vie, la spiritualité; compliqué parce-que je suis autant attirée par la création en deux dimensions que par celle en trois dimensions.  La plupart du temps je suis peintre, d’autres fois je suis sculptrice, et de plus en plus souvent je suis les deux. Les notions qui inspirent mon travail de peintre sont autant issues de ma formation de sculpteur que de peintre. Il faut dire que la condition physique de mes mains me contraint progressivement dans le choix de mes activités créatrices que je dois adapter tranquillement mon travail à cette condition. Cette perte d’habilité devra être compensée par quelque chose d’autre, ceci façonnera d’une certaine manière mon trajet dans le futur.

Quels sont tes buts et rêves pour les les prochains 5-10 ans?

J’aime beaucoup l’avenue de l’installation. Dans le futur j’aimerais plus souvent créer en fonction d’un espace ou d’un site. Développer une approche créative et des moyens techniques qui sont en harmonie avec ma condition et ma vision. J’aimerais participer à des évènements artistiques d’envergure pour faire des connections avec des artistes de partout au monde. J’aimerais aussi être représentée par une galerie commerciale professionnelle qui s’occuperait de promouvoir et de vendre mes oeuvres. Je crois que l’art contribue à l’avancement d’une société. Mon but est de me réaliser un jour pleinement comme artiste pour arriver à être reconnue, et espérer ainsi à contribuer à ma manière à l’histoire de l’art de mon coin de pays.