Voyage au nord | Véronique Thériault [Ode to Studios/North]

 

Cet article est tiré de Numéro 14: Ode to Studios/North, disponible à l'achat ici. Nous l'avons fourni ici traduit en français.

This article is published in English in Issue 14: Ode to Studios/North, available for purchase here. It is offered below in French translation.


Grand-Anse 4_1.jpg

Au mois d'août, ma mère et moi (Germaine Pataki-Thériault, directrice de Galerie 78) avons fait une excursion sur la côte nord du Nouveau-Brunswick pour visiter les studios de 14 artistes de Saint-Jacques à Caraquet. Notre mission était de souligner leurs œuvres et de diffuser leurs histoires, ce qui a culminé au vernissage Nos voisins de la côte nord et de la République qui eu lieu à la galerie du 11 septembre au 3 octobre, 2020.

Avant de partir, nous avons contacté des artistes qu’on a rencontré au Arts Atlantic Symposium et quelques autres dont on a entendu parler. Nous avons créé notre horaire en planifiant de rester avec notre famille à l’extérieur de Caraquet pour la deuxième nuit et en gardant nos plans ouverts pour la première nuit.

Après avoir parlé avec le peintre Bernard Quintal au téléphone, nous avons décidé de contacter son épouse, Lucie Quintal afin de l'inviter au vernissage avec ses œuvres murales crochetées à la main. Quand on s’est rejoint, elle a accepté de participer dans l’exposition, et nous a offert une invitation. « Ce que je voulais vous dire, c’est que vous devriez rester chez nous. On fera le souper, le déjeuner, et ça viendra toute de notre jardin. Ça va être le fun! »

Et oui ce fût un plaisir. Avec une première saison estivale avec la COVID-19, nous avions plein d'incertitudes. Nous étions prêts à rester dans n’importe quelle auberge qui accepterait des clients. Mais les Quintals furent incroyablement accueillants et leur belle maison à Point La Nim, perchée sur une petite colline donnant une vue sur l’océan, est un paradis autant pour les artistes que pour les visiteurs.

Chaque visite de studio fut mémorable: nous avons été convié à des concombres fraîchement cueillis, des pets de sœurs, et une abondance d’histoires des artistes racontant leurs débuts, leurs pratiques, comment ils ont été affectés par la COVID-19 et ce qui les inspire.

Notre voyage était un genre de pèlerinage artistique. Étant acadienne et ayant grandie à Fredericton, une communauté principalement anglophone, je désire de plus en plus passer du temps dans le nord de la province, à entendre des expressions familières et admirer les terres bordant l’océan. De même, visiter les studios des autres est une expérience intime et satisfaisante. Nous furent chanceuses d'être invitées dans une grande partie de leurs vies.

En somme, notre voyage nous a mené à Saint-Jacques, Edmundston, Kedgwick, Campbellton, Point La Nim, Charlo, Balmoral, Petit Rocher, Bathurst, Caraquet, et Paquetville. Bien que c’était ma première fois dans certaines régions de la province, ce ne sera pas ma dernière. Elles m’ont enchantées avec leur esprit, dévouement, et générosité, on veut chanter leurs louanges de partout!

Pour nous, diriger une galerie est beaucoup plus que d’accrocher de l’art dans nos salles. Ce pèlerinage a aussi nourri notre désir de découvrir d’autres artistes talentueux, leurs inspirations, pratiques artistiques et leurs visions. Donc, équipée d'une bonne caméra, les photos que j’ai prises des artistes et leurs ateliers étaient autant pour moi que pour mon travail.

En empruntant la Transcanadienne avec une fourgonnette de taille plutôt embarrassante, nous avons traversé des vallées brumeuses et des champs vallonnés vers Edmundston. Équipé d'un avertisseur sonore de marche arrière, vous pouvez imaginer mes joues rougissantes chaque fois que ma mère exécute un virage à manœuvres multiples sur des chemins que même Google Maps ne reconnaissait pas. J’ai quand-même adoré chaque minute.

Plus à l’est, il y avait des restes du 15 août (quinzou) partout. Des poteaux de lignes téléphonique au long des routes étaient peinturés bleu, blanc, et rouge avec la Maris Stella, et des séries de petits drapeaux acadiens décoraient plusieurs maisons. Ça m’a fait chaud au cœur de voir plusieurs symboles représentant la fierté de notre peuple.

Bien que le thème de l’été 2020 était d’aimer notre province, mais ces artistes possèdent une adoration et une appréciation honnête pour la terre sur laquelle ils créent, bien avant cette idée est devenue à la mode. Prendre le temps de fréquenter la nature leur permet de se détendre, de s’accorder avec ce qui est plus important dans leur pratique artistique, et les rappeler de leurs valeurs fondamentales. De plus, garder les liens proches et intentionnels avec les gens de leurs communautés est essentiel surtout durant les temps d’isolation. Quand on vit dans des endroits ruraux, surtout durant l’hiver, l'isolation est un sentiment familier.


Visite en studio: Réjean Roy

Réjean Roy est un avide campeur et canoéiste, et il peint en plein air autant qu’il le peut en créant des petits croquis en huile sur place, et par la suite il recrée les paysages sur des plus grands panneaux dans son studio à Petit Rocher. Il a étudié en biologie, et est un peintre autodidacte et illustrateur pour des livres d’enfant: ses guides sont des décennies d’exploration et d'examination du terrain qui l’entoure. Il partage une amitié avec les rivières du Nouveau-Brunswick et a aussi apprivoisé les eaux de la rivière Nahanni et la baie Big Trout, pour en nommer quelques-unes.

Il adore faire de la raquette en hiver, ainsi que du camping à des endroits qu’il peut peindre. La nature est recouverte en blanc, une nouvelle toile prête pour être peinturée avec n’importe quelle couleur, teinte, et nuance de lumière. « C’est un vrai plaisir visuel. » Par contre, l’hiver présente ses propres défis comme des doigts qui gèlent et le soleil qui disparaît plus vite.

« Je pourrais partager ce qui peut nous assaillir lorsque l’on voyage seul dans un endroit isolé, ou même les inquiétudes qui peuvent nous hanter lorsque l’on se lance vers un danger potentiel. Mais, à vrai dire, une fois arrivé sur les lieux, au milieu de la nature et de cet environnement sauvage, il ne m’est venu qu’un sentiment de calme et de plénitude. Je me sens confortable. Je me sens chez moi. »

« Je cherche à être dehors autant que je peux, et de vivre les plus pires tempêtes. J’aime  quand je suis bien habillé et je peux confortablement affronter le froid et les vents. Aussi, ma tente en toile et ma poêle à bois me gardent au chaud pendant la nuit. »

« Le plus gros défi n’est pas le froid, mais la lumière. Je dois peindre plus vite que durant les autres saisons de l’année. Je commence avec les éléments éphémères dans la composition, puis ensuite je travaille sur le reste chez moi. Mais ce premier panneau, celui que j’ai fait sur site, c’est précieux. C’est la preuve d’un endroit et d’un temps spécial dans la nature. »

« L’expérience d’être là et d’essayer de saisir un moment au milieu d’un paysage vaste, ça donne la vie et un objectif à l’œuvre. »

gallery78.com/artists/rejean-roy, rejean.ca
@rejeanroy_art


Visite en studio: Emilie Grace Lavoie

Emilie Grace Lavoie est une artiste, commissaire et membre du collectif 3E, d’Edmundston. Après ses études en design de mode au Collège LaSalle à Montréal et en arts visuels à l’Université de Moncton, elle a complété sa Maîtrise en Beaux Arts à Emily Carr University of Art and Design à Vancouver. Emilie est maintenant de retour. Elle crée des céramiques et de la mode dans sa ville natale.

Le printemps était difficile pour plusieurs. Après avoir retournée à Edmundston, sa famille l'a aidé à transformer son espace en studio. Ils ont déménagé ses outils et matériaux, isolé les murs, mais elle a mis du temps à renouveler son inspiration. Son père l'a aidé: « Même si tu ne travailles pas, prends juste du temps dans l’espace. » C’est bien ça qu’elle a fait.

« Au début, je pensais que je n'étais pas une travailleuse essentielle, donc c’est quoi le point d’être productif si personne va voir les œuvres? Mentalement, je n’étais pas dans un espace créatif. »

Après avoir passé du temps à réfléchir dans son hamac, elle a commencé. Ce n’était qu’au mois d'août qu’elle a organisée ses céramiques, mais le temps menant à ce moment était profitable car elle a méditée, elle a fait de la couture pour le plaisir, elle a fait des masques, et elle a redonné de la vie à son studio avec ses ami.e.s pour des sessions hebdomadaires de bingo. Ces jours-ci, elle vise à chercher un équilibre dans son travail créatif.

« Quand je fais mes céramiques, j’ai besoin d’une routine. Je travaille sur ces projets chaque jour jusqu’à 5 ou 7 heures, et je fais ça toute la semaine car le processus de la sculpture prend du temps: le matériel et l’émail doivent sécher, et ainsi de suite. Puis là je fais de la couture en soirée ou à la dernière minute. J’aime faire ça sous pression. »

Elle utilise son studio depuis seulement quelques mois, dans un charmant cabanon, mais le décor est dans le style classique d’Emilie: il y a un mannequin, des fils de chaque couleur, des ciseaux et ruban à mesurer, prêts pour être utilisés, le rose et violet vif partout, et dans un coin au fond, ses sculptures qui lentement, prennent, de plus en plus d’espaces.

emiliegracelavoie.com
jonesgallery.ca/emilie-grace-lavoie
@emiliegracelavoie


Visite en studio: Denis Lanteigne

Denis Lanteigne est un artiste multidisciplinaire depuis plus de 40 ans qui exerce principalement en sculpture et photographie. Du côté  sculpture, il élabore des pièces pour l’intérieur et l’extérieur en utilisant des matériaux divers, neufs ou recyclés. Ses installations extérieures suivent une répétition des lignes et des formes, ils soulignent les thèmes de lieux, des souvenirs, des enjeux actuels, et ils ont des dimensions variées, parfois d'une dizaine de mètres.

Notre première rencontre fût à un de ses ateliers dans une vieille maison familiale du 19ième siècle. Avec un sourire jovial et ses mains en signe de bienvenue, il nous a dirigé vers l’arrière de la demeure seigneuriale. La cuisine était magnifique: il y avait des appareils originaux, des escaliers hauts et étroits, et les meubles étaient embellis avec ses œuvres précédentes, des photos âgées, des posters de ses expositions, et plusieurs disques en vinyles. C’était un aperçu intime dans son monde, sa famille, et son histoire.

Plus bas sur la route,  un terrain vacant donnant une vue spectaculaire du Carrefour de la mer, sert d'espace sur lequel Denis travaille depuis 8 étés. C’est ici qu’il crée des installations conceptuelles pour les automobilistes et piétons. Auparavant, le terrain appartenait à son oncle, qui avait un supermarché. Denis a donc acheté le terrain et depuis ce temps, il l’utilise pour ses créations. Il croit que ses installations plaisent aux gens.

« Ça me permet de créer. Si j’ai une idée, j’ai de la place pour le faire et j’ai un public. Ça me donne beaucoup d’énergie de le faire en direct devant les gens parce que je suis sur le terrain dehors et le monde me voit faire. »

« J’aime l’hiver. Je pratique le ski de fond dès que je peux, sinon on prend des marches matinales hiver comme été. Je profite de la saison. C’est une saison forte où on vit des tempêtes extraordinaires qui permettent parfois de prendre une vraie pause dans le quotidien. »

« Comme artiste, l'hiver produit des paysages superbes, les contrastes du blanc et les objets sont saisissant. Je prends nombre de photos en hiver. Je pratique la photographie comme artiste. L’hiver est un cadeau pour la photographie. »

denislanteigne.com


Écrit et photographié par Véronique Thériault
BA (Hons), Université du Nouveau-Brunswick
Communications and Ventes, Galerie 78
@gallery78official

 
Guest UserFrancais